Résumé :
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La philosophie sociale moderne, depuis Machiavel et Hobbes, présuppose un rapport d'hostilité entre des individus désireux de s'assurer une place au soleil ou plus simplement de garantir les conditions de leur survie. La société ne serait rien d'autre qu'une collection d'individus. La fonction de l'État, dans ce contexte, consiste à neutraliser leur antagonisme. La morale se trouve ainsi instrumentalisée. Le jeune Hegel se démarque de cette tradition en cherchant à comprendre les conflits humains dans la perspective d'une « demande de reconnaissance ». Il met ainsi en lumière la dimension morale inhérente à tout affrontement et reconstruit l'évolution sociale selon une succession de luttes réelles ou symboliques, dans lesquelles l'individu ne cherche pas tant à supprimer ou à abaisser son adversaire qu'à être reconnu par lui dans son individualité. L'amour, le droit, la solidarité offrent les cadres successifs où s'inscrit, à mesure que s'enrichissent les rapports humains, ce lien de reconnaissance. La psychologie sociale moderne permet de reprendre cette approche pour l'enraciner dans les mécanismes de formation de la personnalité humaine (les travaux de G.H. Mead et de D. Winnicott en particulier). En distinguant trois formes de mépris – l'atteinte physique, l'atteinte juridique et l'atteinte à la dignité de l'individu –, correspondant aux stades de développement du rapport de reconnaissance, Axel Honneth se dote d'un outillage conceptuel qui lui permet d'articuler une véritable « grammaire morale des conflits sociaux », fondée sur une théorie intégrée de l'homme et de la société. Ce faisant, il nous met aussi entre les mains un précieux instrument critique
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